INTRODUCTION ET DÉFINITION
Il y a tellement de types de maux de tête (en termes médical, on parle de « céphalées »). Certains sont un signal d’alarme indiquant qu’il se passe peut-être quelque chose de grave dans notre tête, d’autres sont sans danger même s’ils nous empoisonnent l’existence.
Les maux de tête dangereux sont différents de ceux que nous avons tous vécus lors d’une grippe, d’une période stress ou après un excès d’alcool.
Disons qu’il faut se méfier d’un mal de tête nouveau, qui s’installe brutalement, d’emblée très intense, surtout après un choc à la tête, ou quand on est hypertendu. Un mal de tête persistant qui s’aggrave rapidement doit aussi être considéré comme un signal d’alarme. Les maux de tête accompagnés de fièvre, ceux qui sont localisés et toujours au même endroit, ceux qui entraînent de la somnolence, de la confusion ou de l’agitation, ceux qui provoquent une raideur de nuque ou une diminution de force dans les membres, tous ces maux de tête peuvent signaler une maladie grave à son début.
Il faut alors consulter très rapidement, voire en urgence, pour traiter la maladie dont le mal de tête est un symptôme, et empêcher des dégâts au cerveau.
Les maux de tête soudains, inhabituels, sévères et accompagnés d’autres symptômes signalent une urgence
Dans la suite de ce chapitre, nous nous limiterons aux maux de tête sans danger. Ce sont heureusement les plus fréquents. Entre les crises douloureuses, tout revient à la normale. Il s’agit des migraines et des céphalées de tension.
Migraines et céphalées de tension sont des « troubles fonctionnels » qui ne provoquent aucune lésion
La migraine
Cette forme particulière de mal de tête est limitée à un seul côté du crâne, le droit ou le gauche. Elle survient par crises : la douleur s’installe progressivement (pas brutalement) avant d’atteindre un plateau, et dure de quelques heures à quelques jours si on ne la traite pas. Généralement, la douleur est pulsatile, « comme si le cœur battait dans la tête ». Tout effort physique, le bruit et la lumière, augmentent l’intensité de la douleur, généralement modérée à sévère. La migraine est parfois associée à des nausées et des vomissements.
Le seul recours du patient est d’arrêter ses activités, de s’isoler dans une pièce à l’abri de la lumière et des sons violents, et de rester allongé dans le noir le temps que la crise cesse.
Migraine signifie « demi-crâne » en vieux grec
Les signes annonciateurs
La crise migraineuse survient le plus souvent au réveil. Dans 20 % des cas, elle est précédée de signes annonciateurs que les patients connaissent souvent bien.
Ces signes permettent de prévoir la crise, de la traiter avant que la douleur ne s’installe et ainsi de raccourcir la durée de la crise et de limiter l’intensité de la douleur.
En langage médical, cet épisode qui précède la crise douloureuse s’appelle « aura ». L’aura dure de quelques minutes à une heure. Elle consiste généralement en troubles visuels, par exemple des éclairs de points lumineux ou des zigzags lumineux scintillants. Parfois il s’agira de troubles de la sensibilité d’un côté du corps, comme un engourdissement ou des fourmillements autour de la bouche ou dans une main. Plus rarement, on observera des troubles de l’audition, des troubles du comportement, etc.
Ces signes avant-coureurs disparaissent rapidement et totalement. L’examen neurologique est normal.
Une maladie fréquente
On considère que cette maladie atteint environ 14,7 % de la population, et beaucoup plus de femmes (17,6%) que d’hommes (8%). Quarante à 50 % des patients ont 2 crises ou plus par mois. Les migraines sont plus fréquentes chez les adultes jeunes.
D’habitude, elles apparaissent à l’adolescence et diminuent progressivement à partir de 50 ans. Chez la femme, la migraine apparaît souvent autour de la puberté et cesse à la ménopause dans > 65 % des cas. Elle s’aggrave autour des règles et peut être déclenchée par la pilule contraceptive. Par contre, elle s’améliore souvent pendant la grossesse.
Chez les enfants, la durée des crises est sensiblement plus courte. La localisation de la douleur est différente, avec une prédominance au niveau du front, des deux côtés de la tête. Les troubles digestifs sont aussi plus importants.
Il existe aussi des migraines chez l’enfant
La céphalée de tension
Ici, la douleur se situe à l’extérieur du crâne. La tête semble comme serrée dans un étau et la douleur atteint les deux côtés de la tête, avec une prédominance sur l’arrière et les côtés du crâne. On parle de « douleur en casque », généralement d’intensité légère à modérée.
La céphalée de tension peut être associée à une tension excessive des muscles du cou et des tempes. Parfois on ressent des sensations de fourmillements ou de tiraillement au niveau du cuir chevelu. Ce sont là tous les symptômes.
Une maladie fréquente
Parmi la population européenne adulte, les enquêtes récentes montrent que 62,6 % des individus ont souffert d’une céphalée de tension au cours de l’année écoulée.
Elle peut devenir chronique, avec une fréquence d’au moins 15 jours par mois, pendant 3 mois ou plus, chez 3,3 % de la population, parfois suite à un abus de médicaments antidouleur.
Les céphalées de tension apparaissent souvent à l’adolescence, atteignent leur pic à la trentaine, et affectent plus de femmes que d’hommes. Mais certains enfants peuvent en souffrir.
Avant tout, il faut éviter que la céphalée de tension devienne quotidienne
CAUSES
Les migraines se produisent à répétition et sont très invalidantes.
Il n’y a pas deux sujets migraineux identiques. De plus, chez une même personne, le côté douloureux peut changer d’une crise à l’autre, et une crise peut présenter une aura, la suivante pas.
On associe l’aura à une contraction des vaisseaux sanguins dans le crâne, et la douleur qui suit à une dilatation excessive des mêmes vaisseaux, accompagnée d’une augmentation de leur perméabilité et de troubles inflammatoires.
Les traitements actuellement disponibles cherchent à contrôler ces événements.
Les causes sont encore mal comprises
Les céphalées de tension seraient induites par du stress, mais aussi par une mauvaise position, du surmenage, des problèmes de vue, etc.
TRAITEMENT
Le traitement de la crise de migraine
Une approche par paliers du traitement de la douleur migraineuse est recommandée. Ce traitement doit être guidé et surveillé par un médecin qui conseillera le type de traitement adéquat. Un certain nombre de ses patients seront soulagés par des analgésiques classiques (aspirine ou paracétamol), éventuellement en association à des anti-nauséeux.
Quand la crise survient, la douleur est souvent insupportable
Certains anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont sûrs et efficaces comme deuxième étape, éventuellement accompagnés d’un médicament anti-nauséeux.
En cas d’efficacité insuffisante, le médecin a la possibilité de passer à un troisième niveau avec un traitement antimigraineux spécifique, choisi parmi les triptans.
D’autres recours médicamenteux existent encore, et quelques traitements non médicamenteux ont fait leurs preuves, comme l’acupuncture.
Migraineux, allez consulter ! Nombre de médicaments efficaces peuvent vous être prescrits
À l’heure actuelle, subir ses crises de migraine avec fatalité, les minimiser, en prendre l’habitude, et se débrouiller par soi-même, est une erreur. Il existe des traitements efficaces, mais ils peuvent se retourner contre nous si on les emploie mal.
Autrement dit, l’automédication comporte le risque d’augmenter la fréquence des maux de tête et leur sévérité.
« J’ai toujours trouvé pénible d’entendre les gens dire :
« C’est pas un petit mal de tête qui va m’arrêter ». Mes maux de tête à moi, c’était toute la journée au lit, l’enfer! Heureusement, j’ai fini par recevoir un médicament qui soulageait mes crises plus rapidement. »
Le traitement de la céphalée de tension
Les antidouleurs simples (paracétamol, …), et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont efficaces à court terme dans les crises aiguës. Ces médicaments doivent toujours être pris avec l’accord du médecin afin d’éviter l’évolution vers des céphalées par abus d’antidouleurs.
Il existe aussi quantité de traitements non médicamenteux qui ont prouvé leur efficacité quand ils sont employés seuls ou en association avec les médicaments cités ci-dessus. Parmi ceux-ci :
- la relaxation , le biofeedback et la thérapie comportementale cognitive ont accumulé les preuves d’efficacité au cours du temps, et doivent être considérés comme la première option.
- l’acupuncture a fait ses preuves également.
- d’autres méthodes se sont révélées utiles, comme l’extrait naturel de Pétasite (herbe aux teigneux) et la vitamine B2.
Danger : les abus d’antidouleurs
Selon le Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique (CBIP), « L’utilisation quotidienne d’analgésiques peut entraîner une dépendance qui se manifeste par deux sortes de plaintes.
On constate une augmentation de la fréquence des céphalées (allant jusqu’à des crises quotidiennes). Ces céphalées induites par les analgésiques surviennent chez environ 1% de la population totale et se développent insidieusement étant donné qu’il faut attendre environ 5 ans avant que les céphalées ne se manifestent quotidiennement.
Les antidouleurs ne doivent être pris qu'en cas de crise et jamais au quotidien, en évitant les doses trop élevées
Ce phénomène a été clairement décrit avec l’ergotamine mais a aussi été démontré lors de l’utilisation de triptans, d’acide acétylsalicylique, de paracétamol, de dextropropoxyphène et de codéine. Les patients qui utilisent des préparations combinées (associations avec de la codéine et/ou de la caféine) présentent un risque accru de développer des céphalées induites par les analgésiques.
De plus, un phénomène d’accoutumance lors de l’arrêt soudain de la thérapie a été observé. Chez 2/3 des utilisateurs chroniques d’analgésiques, une aggravation des céphalées (ainsi que d’autres symptômes de sevrage, tels nausées, vomissements, transpiration, insomnie) apparaît lors de l’arrêt brutal de leurs analgésiques. Pour soulager ces plaintes, les patients vont à nouveau utiliser des analgésiques et entrent ainsi dans un cercle vicieux ».
Attention : l’abus d’anti-douleurs mène à la dépendance
TRAITEMENT PRÉVENTIF
Traitement préventif de la migraine
Le traitement de fond de la migraine vise à espacer les crises au moyen de médicaments à prendre tous les jours. On doit y penser chez les patients qui connaissent plus de deux crises par mois, et chez ceux sont les crises sont sévères et prolongées malgré un traitement adapté, insuffisamment efficace.
Le traitement préventif réduit la sévérité et la fréquence des crises, il ne peut toutefois pas les empêcher tout-à-fait. Seuls un tiers des patients répondent à un traitement préventif, mais il existe plusieurs médicaments différents que l’on peut essayer à tour de rôle. Cela en vaut la peine, car les patients répondeurs voient la fréquence mensuelle de leurs crises diminuer de 50 % ou plus.
Le traitement préventif réduit la fréquence et la sévérité des crises, mais pas chez tout le monde
Traitement préventif de céphalée de tension
Ici aussi, il y a une procédure à suivre, que votre médecin connaît.
Certaines techniques de relaxation (bio-feedback) paraissent efficaces en prophylaxie.
Ces techniques médicamenteuses et non médicamenteuses peuvent être associées.
Il faut parfois essayer plusieurs médicaments avant de trouver celui qui vous convient
CONSEILS
Conseils en cas de migraine
Chez les migraineux, il existe souvent un ou des facteurs déclenchants, propres à chaque patient. Les découvrir et les éviter peut épargner bien des douleurs. Voici la liste le plus souvent admise :
- L’anxiété, le stress, l’excitation, les soucis, la contrariété, les périodes de changements et d’adaptation
- Les irrégularités dans les habitudes de vie (pas de repas à heure fixe, horaire de sommeil irrégulier, …)
- La fatigue, l’excès ou le manque de sommeil
- La consommation d’alcool ou de vin rouge
- Le tabac
- Le jeûne, l’hypoglycémie
- Les aliments riches en histamine : aliments fumés, poissons, crustacés, certains fromages fermentés, le chocolat, l’aspartam, l’alcool, les fruits secs, les agrumes
- Les changements hormonaux chez la femme
- Certains médicaments, surtout s’ils sont pris en excès.
Conseils en cas de céphalée de tension
Il existe chez vous quelque chose qui provoque et maintient tout au long de la journée une tension musculaire de vos muscles du crâne et du cou, si bien que les muscles, fatigués, terminent la journée par une contracture douloureuse.
Par conséquent :
- Vérifiez que votre position de travail est correcte.
- Vérifiez que vous n’avez pas de problème de vue.
- Autorisez-vous des moments de détente.
- Apprenez à gérer votre stress.
- Veillez à dormir suffisamment.
- Faites des exercices de relaxation.
- Menez la vie la plus régulière possible.
- Ne prenez pas d’antidouleurs en excès.
Réglez votre siège de bureau de manière à ce que le clavier de votre ordinateur soit à la hauteur du nombril, que vos fesses soient calées au fond du siège et que votre dos soit bien soutenu par le dossier. Gardez le cou souple et bien droit.
Préparez votre consultation
L’examen clinique étant normal, le diagnostic du médecin se fera uniquement sur la base de ce que vous lui raconterez de vos céphalées. Aussi est-il très utile d’arriver avec des renseignements fiables, que vous aurez notés le jour de chaque crise, plutôt que de faire appel à votre mémoire. Il s’agit d’entreprendre un vrai travail de détective.
Généralités:
- Depuis quand avez-vous mal de tête ? (âge du début)
- Ont-elles débuté à un moment particulier de votre vie ? (déménagement, perte d’emploi, début de pilule anticonceptionnelle, …)
- Quelle est la fréquence habituelle de vos crises de douleur ?
- Voici le contenu idéal de votre fiche pour chacune des crises :
Description de la crise :
- Date
- Heure de début
- Heure de fin
- Localisation de la douleur
- Intensité de la douleur : cotez votre douleur sur une échelle de 0 à 10, dans laquelle 0 signifie absence de douleur et 10 une douleur intenable.
- Présence de signes avant-coureurs – lesquels ?
- Avez-vous eu des nausées ?
- Avez-vous vomi ?
- Le bruit amplifie-t-il votre douleur ?
- La lumière est-elle devenue insupportable ?
- Autres constatations
- Qu’avez-vous fait pour supporter la douleur ? (arrêt du travail, isolement, …)
Description des circonstances de la crise :
- Où étiez-vous ?
- Quelque chose vous gênait-il dans votre environnement ? (fumée, chaleur, froid, bruit, lumière, …)
- Que faisiez-vous quand la crise a débuté ?
- Étiez-vous stressé ou surmené à ce moment ?
- Avez-vous modifié vos habitudes ce jour-là ? (sauté un repas, mangé au restaurant, …)
- Décrivez soigneusement ce que vous avez mangé et bu au cours des 12 dernières heures
- Si vous êtes une femme, est-ce le moment de vos règles ?
- D’après vous, quel a été le facteur déclenchant ?
Effet du traitement :
- Qu’avez-vous pris comme médicament(s) ? (Nom, dose, nombre)
- Quelle a été l’efficacité du traitement médicamenteux ?
- Boire une tasse de café noir fort vous aide-t-il ?
- Appliquer de la glace sur votre tête vous soulage-t-il ?
- Avez-vous un autre « truc » pour diminuer la douleur ?
- Faites-vous quelque chose pour prévenir les crises ?
- Prenez-vous des médicaments en dehors des crises ? Lesquels ?
Stovner LJ et al, J Headache pain 2010, 11:289-299 Derry S et al, Cochrane Database Syst Rev 2010: CD008040 CBIP, fiche de transparence – Antimigraineux – juillet 2008