Introduction et définition
Introduction
Quand on parle de mal de dos, on le situe dans le bas du dos, entre les dernières côtes et l’origine des fesses. C’est la région des vertèbres lombaires : on parle donc de lombalgies (lomb = lombaire, et algies = douleurs). Avoir un « tour de reins », avoir « le dos en compote », ou encore souffrir d’un lumbago, sont quelques unes des expressions populaires qui désignent cette douleur.
En fait, 70 % des adultes souffrent ou ont souffert de lombalgies au cours de leur vie et le taux de récidive est de l’ordre de 60 à 85 %.
Les lombalgies sont un symptôme, que l’on retrouve dans quelques 40 maladies. La douleur a son origine dans une vertèbre ou l’une des nombreuses structures qui assurent la souplesse et la stabilité de la colonne lombaire.
La colonne lombaire
La colonne lombaire, localisée dans la région de l’abdomen, est composée de 5 vertèbres, qui s’articulent en haut avec la 12ème vertèbre dorsale, et en bas avec le sacrum.
Ce sont les plus grosses de toutes les vertèbres : elles supportent le poids de toutes les autres vertèbres, du crâne et d’une grande partie du corps.
Les vertèbres
Toutes les vertèbres du corps ont la même structure d’ensemble.
On distingue le corps vertébral, qui a la forme d’un cylindre, et se situe profondément à l’intérieur du corps. Vient ensuite, à l’arrière du corps vertébral, un arc osseux qui entoure un orifice dans lequel se trouve la moelle épinière.
Sur cet arc se greffent deux éperons osseux qui partent vers la gauche et la droite du corps : les apophyses transverses, ainsi que quatre surfaces articulaires verticales qui s’articulent avec la vertèbre supérieure et la vertèbre inférieure. Enfin, un dernier éperon osseux, plus long, part de l’arc osseux vers l’arrière, c’est l’apophyse épineuse que l’on sent en palpant le milieu du dos.
Des nerfs se détachent de la moelle épinière au niveau de chaque vertèbre et passent vers la gauche et vers la droite, juste derrière les corps vertébraux dans un trou formé dans les deux arcs osseux de deux vertèbres consécutives ; ces trous sont les « trous de conjugaison ».
Les articulations entre les vertèbres
Les os des vertèbres ne se touchent pas directement. Les corps vertébraux sont séparés par un disque intervertébral, constitué d’un anneau fibreux entourant une substance gélatineuse centrale. Ces disques intervertébraux jouent le rôle d’amortisseurs et sont responsables de la souplesse de la colonne vertébrale. Ils sont très solides.
Il y a aussi les quatre articulations postérieures qui relient les vertèbres entre elles et les empêchent de glisser l’une sur l’autre vers l’avant ou vers l’arrière. Ce sont de vraies petites articulations avec du cartilage, du liquide synovial, une membrane synoviale, une capsule articulaire et des ligaments.
Les ligaments et les muscles de la colonne vertébrale
La stabilité de la colonne vertébrale est assurée par les ligaments et les muscles qui l’entourent et relient les vertèbres entre elles. Parmi les 244 muscles répertoriés au niveau de la colonne vertébrale, il faut noter les muscles longs et puissants qui courent de part et d’autre des apophyses épineuses, et dont la contraction augmente la cambrure des reins.
Bien que non attachés à la colonne vertébrale, les muscles abdominaux, qui effectuent le mouvement inverse, sont tout aussi importants pour assurer l’équilibre de la colonne vertébrale. L’ensemble de la musculature abdominale et lombaire forme une sorte de corset naturel.
Les douleurs lombaires
Les douleurs mécaniques, aussi qualifiées de douleurs musculo-squelettiques, sont caractéristiques des problèmes situés au niveau des muscles, des ligaments et des articulations.
Elles représentent heureusement 95 % des cas.
Elles sont toutes traitées de façon semblable, si bien que des examens approfondis sont en général peu nécessaires. De plus, elles sont souvent le résultat d’un processus complexe impliquant plusieurs facteurs.
C’est à ces douleurs que nous allons nous intéresser, en prenant le lumbago aigu comme exemple.
La plupart des douleurs lombaires ne présentent aucun danger
Le lumbago
Le lumbago aigu est l’exemple type d’une douleur mécanique sévère.
Les symptômes
La douleur lombaire est soudaine, inattendue, localisée et violente. Elle paralyse le sujet dans la position où il se trouve. Elle provoque immédiatement une réaction de défense des muscles de la colonne lombaire, qui se contractent pour empêcher tout mouvement ultérieur.
Le sujet aura les plus grandes difficultés à se redresser, s’il y arrive, même aidé par d’autres personnes. Son seul souhait est d’atteindre au plus vite un fauteuil confortable, ou mieux, un lit, de trouver la position qui le soulage et de ne plus bouger même d’un millimètre. Pour ce faire, il marchera à petits pas, précautionneusement.
Si un nerf est comprimé, une douleur supplémentaire descendra vers la fesse, puis à l’arrière de la cuisse pour atteindre la jambe puis le pied, s’il s’agit du nerf sciatique. Quand le nerf crural est coincé, la douleur irradie vers l’avant de la cuisse, en suivant également le trajet du nerf. Ces douleurs nerveuses seront augmentées par les efforts de toux, d’éternuements ou de défécation mais soulagées par l’immobilisation en position couchée.
Bien sûr, la situation n’est pas toujours aussi désastreuse que dans cet exemple de lumbago sévère. Il existe des versions atténuées du mal de dos, mais dans tous les cas, la douleur persiste et pousse le sujet à interrompre ses activités pour aller se coucher.
Les douleurs lombaires aiguës sont très handicapantes
Impact psychologique
Il est difficile d’imaginer dans quels sentiments d’impuissance et de détresse se trouve le sujet victime d’un lumbago sévère, particulièrement si c’est la première fois. Toute une série d’idées lui passent par la tête, celle qu’il va rester désormais cloué au lit ou condamné à la chaise roulante, celle qu’il va devoir surveiller ses mouvements pour le restant de sa vie. Ce n’est pas vrai. Avoir été victime d’un lumbago n’empêche pas de déménager une armoire normande plus tard.
Mais les facteurs psychologiques interviennent dès le stade aigu de la maladie. La tension nerveuse, le stress et l’anxiété, accentuent les contractures musculaires. Ils amplifient la douleur. Ils créent un cercle vicieux supplémentaire : douleur → insomnie → tension nerveuse → aggravation des douleurs → insomnie, etc.
Les facteurs psychologiques influencent la réponse du patient aux traitements et aussi le risque de récidive
Evolution du lumbago
La moitié des lombalgies mécaniques aiguës guérit en quelques jours. Après 6 à 12 semaines, le mal de dos a disparu chez 80 à 90 % des patients.
Mais après une lombalgie aiguë, il y a une chance sur trois pour que le mal récidive au cours des années qui suivent. La récidive n’est cependant pas la manifestation d’une aggravation de la lésion, elle est simplement le signe d’une fragilité acquise.
Une disparition complète des douleurs ne signifie pas que la lésion est guérie
On parle de lombalgies chroniques lorsqu’une douleur supportable mais handicapante, quasi quotidienne, persiste plus de 3 mois, sans tendance à l’amélioration. C’est le cas d’environ 10 % des patients, qui restent alors en arrêt de travail prolongé et parfois définitif. Les Causes (titre déroulant) précises de la douleur lombaire chronique sont parfois difficiles à déterminer. Les lésions révélées par les examens ne correspondent pas à l’intensité de la douleur ressentie.
Il faut tout faire dès le début pour éviter que les douleurs deviennent chroniques
CAUSES
Les douleurs lombaires
La description des structures lombaires aide à comprendre la complexité du diagnostic à faire. Chacune de ces structures peut être la source de douleurs. Par exemple : le tassement d’une vertèbre, une déchirure de ligament, une dégénérescence du disque intervertébral avec ou sans hernie discale, une arthrose des articulations intervertébrales postérieures avec ostéophytose (« becs de perroquets », une diminution du diamètre des trous de conjugaison avec compression du nerf qui le traverse, une contracture musculaire suite à un mouvement erroné, une réaction inflammatoire par surmenage chronique de la colonne lombaire, etc.
Les mécanismes responsables de la douleur lombaire sont nombreux
Lumbago
Le lumbago peut faire suite à un effort inhabituel pour soulever une lourde charge tout en effectuant une rotation du tronc, mais il peut aussi survenir lors d’un faux mouvement pour rétablir son équilibre comme lorsqu’on glisse sur un sol mouillé ou que l’on rate une marche d’escalier. D’autres fois, la douleur sera provoquée par un mouvement habituel et tout-à-fait anodin, par exemple sortir de sa voiture.
Deux cercles vicieux d’amplification de la douleur vont s’installer au moindre mouvement. D’une part, la douleur consécutive au mouvement va augmenter la contracture musculaire lombaire, avec pour résultat un écrasement supplémentaire des structures endommagées qui augmentera la douleur qui augmentera la contracture musculaire, etc. D’autre part, les tissus lésés libéreront des substances inflammatoires qui augmenteront la douleur. Le repos, dans une position confortable, ne peut être évité.
Rien ne permet de prévoir un lumbago
Le traitement
1. Reposer le dos
On recommande maintenant de maintenir les activités compatibles avec la douleur. Le repos au lit pendant la journée ne se justifie que s’il s’agit du seul moyen de calmer une douleur intense.
En effet, le repos au lit prolongé fait fondre les muscles et rouiller les articulations. Il aboutit à une aggravation du handicap et il complique la rééducation.
Alors que le maintien des activités augmente la rapidité de la récupération après un épisode aigu, diminue la fréquence du passage vers une forme chronique de lombalgies, et raccourcit la durée de l’interruption de travail.
Le repos absolu n’aide pas et paraît même nocif
2. Le traitement médicamenteux
Il permet de traiter la douleur, l’inflammation, la contracture musculaire et l’anxiété. La priorité est de calmer la douleur, qui a tendance à s’intensifier quand elle persiste. Contre la douleur, on peut utiliser le paracétamol. Il est préférable de le prendre à horaire fixe (et non au coup par coup). On peut ajouter au début du traitement un anti-inflammatoire pour une durée limitée.
Pour traiter la contracture musculaire et l’anxiété, le médecin prescrira une benzodiazépine myorelaxante. Myorelaxant signifie décontracturant musculaire, et les benzodiazépines sont des médicaments contre l’anxiété. Il faut limiter leur utilisation dans le temps, afin de ne pas entraîner une dépendance au médicament.
Un traitement anti-douleur peut faire appel au paracétamol
3. La kinésithérapie
La kinésithérapie occupe une place essentielle dans le traitement du mal de dos.
Les massages permettent l’échauffement et le relâchement des muscles. Ils peuvent être réalisés dès le début du traitement.
Par contre, il est préférable d’attendre 6 semaines après un épisode aigu avant d’entreprendre le renforcement de la musculature abdominale et lombaire et la rééducation de la mobilité lombaire.
4. La chirurgie
Si les autres traitements n’ont pas fonctionné, qu’une douleur fortement handicapante persiste, et dans un nombre limité de situations, on peut penser à la chirurgie.
Mais il s’agit d’un traitement lourd, dont l’efficacité n’est pas toujours garantie. Elle doit donc constituer un ultime recours.
Un traitement médicamenteux précoce, continu et à doses appropriées, associé à la kinésithérapie, peut contribuer dans une large mesure à la guérison des lombalgies
Conseils
Pourquoi faut-il consulter ?
En présence d’une lombalgie aiguë, le médecin doit d’abord rechercher si les douleurs ont une origine purement mécanique ou si elles sont le symptôme d’une maladie sous-jacente.
Les douleurs symptomatiques sont préoccupantes, pas parce qu’elles sont plus intenses, elles peuvent l’être moins, mais en raison de leur cause. On y retrouve les infections, les maladies inflammatoires, les fractures vertébrales, les tumeurs, les métastases ou les douleurs en provenance des reins, de l’appareil digestif ou du système génital.
Ces douleurs sont rares, mais elles obligent à des examens approfondis pour un diagnostic précis et au traitement agressif de la maladie qu’elles signalent.
Certaines douleurs lombaires signalent une maladie sévère
Eviter les récidives
Les récidives ne sont pas prévisibles. Elles sont normales et ne signifient pas une aggravation des lésions rachidiennes existantes ou l’apparition d’une nouvelle pathologie.
Que peut-on faire pour les prévenir ?
- Faut-il arrêter le sport ?
- Est-il important de maigrir ?
- Comment ménager notre dos ?
- Quel est le rôle des facteurs psychologiques dans les récidives ?
Près de la moitié des patients ont des récidives de temps à autre
L’activité physique en général est toujours préférable à la sédentarité, pourvu qu’elle n’occasionne pas de douleur.
En cas de lombalgie, évitez temporairement les sports qui malmènent le dos. Par exemple, le judo, la lutte, l’aviron (canot, kayak, chaloupe, etc.), le jogging, les sports de raquette (tennis, badminton, etc.), la danse aérobique, l’équitation, le vélo de montagne, les poids et haltères et le trampoline, qui imposent des chocs à la colonne, ou des efforts intenses, ou de nombreux mouvements de torsion du thorax.
Par contre, la marche, la natation et le cyclisme de route (avec une bicyclette bien ajustée à sa taille) sont des sports doux pour le dos.
N’oubliez pas que l’échauffement est essentiel, de même que le renforcement de la musculature abdominale, qui constitue avec les muscles lombaires un corset naturel de la colonne vertébrale.
L’excès de poids n’est pas une cause de lombalgies. Toutefois, il aggrave les symptômes de ceux qui ont des lombalgies. Il peut donc sembler important de maigrir quand les récidives sont fréquentes ou en cas de lombalgies chroniques.
Mais attention ! Maigrir provoque aussi une perte de muscle et un affaiblissement de la musculature aggrave le mal de dos. Maigrir sans faire les exercices nécessaires pour renforcer la musculature abdominale et lombaire est une erreur.
La démarche la plus utile semble être de modifier nos mauvaises habitudes en ce qui concerne les postures néfastes pour le dos que nous avons adoptées dans la vie de tous les jours.
Par exemple, réglez votre siège de bureau de manière à ce que le clavier de votre ordinateur soit à la hauteur du nombril, que vos fesses soient calées au fond du siège et que votre dos soit bien soutenu par le dossier. Pour vous baissez, pliez les genoux plutôt que le dos. Gardez contre le corps les objets que vous portez. Ou encore, évitez de dormir sur le ventre. La position couchée sur le côté, genoux pliés, est la moins fatigante pour le dos. Investissez aussi dans un matelas en latex et un sommier à lattes.
Enfin, les observations démontrent que les facteurs psychologiques ont à eux seuls un impact plus prononcé sur l’évolution des lombalgies que tout ce qui a été décrit ci-dessus.
Les auteurs des études insistent entre autres sur le rôle des problèmes relationnels au travail, et sur celui de la perte de motivation pour un travail répétitif, trop stressant ou trop lourd physiquement.
Dans certains cas, il pourrait s’agir d’un conflit important entre ce que notre conscient a décidé de faire et ce que notre inconscient pense qu’il serait bon de faire. Comme leurs avis divergent, ou s’opposent, l’inconscient provoque un mal de dos pour nous empêcher « d’avancer ». Cette théorie mérite l’attention, particulièrement lors de récidives fréquentes ou en cas de lombalgies chroniques.
Les facteurs psycho-sociaux jouent un rôle majeur
Facteurs de risque de passage d'une douleur aigue à une douleur chronique
Beaucoup d’études ont cherché à identifier les facteurs de risque de chronicité, pour ne pas laisser s’installer une pathologie chronique.
Parmi les facteurs de risque, on note : la durée d’évolution de la lombalgie avant la première consultation, la prescription de repos au lit strict même de courte durée, un traitement antidouleur insuffisant, une compréhension insuffisante du mal de dos, ainsi que des problèmes professionnels et psychologiques.
Par contre, la reprise rapide du travail diminuerait le risque de passage à la chronicité.
En cas de lombalgies chroniques, il existe dans notre pays plusieurs « écoles du dos », dans lesquelles il est possible d’apprendre les bonnes postures, de pratiquer des exercices d’échauffement, de souplesse et de musculation abdominale, et aussi d’obtenir un suivi diététique et psychologique. Ce programme, personnalisé pour chaque patient, s’étalera sur plusieurs séances qui se déroulent en petits groupes.
Walker BF, J Spinal Dosord 2000, 13: 205-217 Mieux vivre avec le mal de dos, 2008 Platzer W, Atlas de poche d’anatomie, tome 1, 2007, Ed. Flammarion Harmonet C, Prévenir et guérir le mal de dos, 2007, Ed. Odile Jacob www.institut-upsa-douleur.org Altman RD, Am J Manag Care 2010, 16: S41-S47